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Glory and Tears

  • Ciné-Concert

Le 27.11.2021 à 20h30LE ZEF - scène nationale de Marseille, Marseille

Randa Mirza et Wael Koudaih

En Pratique

  • LE ZEF - scène nationale de Marseille, Marseille

Durée : 1H30

Compositions, machines Rayess Bek
live Vidéo Randa Mirza
oud électrique Mehdi Haddab
claviers Julien Perraudeau
Création lumière Rima Ben Brahim
ingénieur son Ludovic Joyeux
en coréalisation avec Les Rencontres à l’échelle - B/P
Dans le cadre des Rencontres à l’échelle

Présentation

Face B du projet musical Love & Revenge, La Mirza et Rayess Bek, mixent en temps réel tous les génies de la scène musicale arabe - Koweit, Yemen, Soudan, Algérie, Maroc ou Mauritanie - et les films de genre et séries B cultes comme cette Guerre des étoiles arabe ou ce Dracula égyptien. Une folle dédicace trouée de sonorités électroniques : drum-machine, electric Oud et synthé. Une folle odyssée portée par l’audace et l’utopie de l’hybridation : Gloire & Larmes.

Glory and Tears, c’est quoi ?
Rayess Bek (Wael Koudaih)  : En quelques mots, le concert audio et vidéo Glory and Tears fait suite à Love and Revenge - titre inspiré du film Gharam wa Intikam de Youssef Wehbé (1943). Nous prenons appui sur l’héritage du cinéma et de la musique arabe, et surtout sur les artistes qui sont des stars dans leurs pays d’origine tels que le Yemen, l’Algérie, l’Arabie, mais qui sont méconnus dans le reste du monde. Ensemble, La Mirza à la vidéo, moi aux machines, Medhi Haddab (Electric Oud) et Julien Perraudeau (Keyboards), nous créons un concert audio et visuel en (re)mixant en direct des archives de films, des musiques et en y agrégeant des sons, des musiques actuelles.

La Mirza (Randa Mirza) : Ce titre traduit parfaitement la situation actuelle du monde arabe dans toute sa gloire et ses misères.

Dans Glory and Tears, comment usez-vous des spécificités, des potentialités des films et des musiques arabes cultes sur le plateau ?
La Mirza : Je me suis intéressée aux légendes cinématographiques, aux mythes hollywoodiens et aux mythes de la littérature tels que Frankenstein de Mary Shelley ou Faust de Goethe. Et surtout à la manière dont ils sont adaptés au cinéma par les artistes arabes. Il en résulte une forme d’hybridité culturelle qui se fixe sur la part la plus spectaculaire du cinéma arabe, par le mythe et les glissements successifs. Les films se munissent d’une palette, d’un rythme, d’une tonalité, propres. Ils estompent tellement les frontières, les temporalités, ils s’opposent tellement à tous les « corps constitués » qu’on ne sait plus si Superman est un héros américain et si Faust est un monument de la littérature allemande. Par exemple, Le retour du héros (awdatou al batal, 1983) du réalisateur libanais Samir al ghoussaini fraye explicitement avec Rambo. Pareil, pour le « Star Wars égyptien », Journey to the moon (rihla ila al-qamar, 1959) de Hamada Abed Alwahab. Ou encore le Dracula arabe, Aniab de Mohamad Chebel (1981). C’est toute la question du brassage qui se pose ici de plus belle : brassage des genres et aussi des monuments du genre. Pour ce qui est de la musique, parce que le monde arabe s’étend de l’Afrique au Golf, nous nous appuyons sur des rythmiques plus africaines que dans Love and Revenge. A la veine musicale du Soudan, du Koweit ou de la Mauritanie répond une autre veine musicale, la nôtre. Ce qui donne un répertoire très riche.

Rayess Bek : Youtube constitue un formidable vivier de sons, de musiques d’archives. Mais tout cela n’est pas sans difficulté. Il arrive que nos coups de cœur ne correspondent pas à nos critères techniques, de géographie ou de répertoire. Parce que le son est de mauvaise qualité, il déchire les oreilles. Parce qu’il existe des différentiels de gamme. Parce que les rythmes sont trop compliqués (3 sur 6, 4 sur 12) pour être retraités par nos machines qui, fabriquées en Occident, sont davantage adaptées aux musiques occidentales. Nous avons un seul mot d’ordre : être « pop ». Ce qui signifie que si la chanson originale n’est pas suffisamment accessible pour des raisons historiques, esthétiques ou de durée, nous la retraitons de manière à la rendre plus pêchue, entrainante.

Dans Glory and Tears, l’hybridité est un élément majeur du point de vue des dramaturgies et de la narration. Comment hybridez-vous concrètement vos savoir-faire ?
La Mirza  : Notre collaboration s’apparente à une partie de ping-pong. J’envoie une musique à Rayess Bek. Et il me renvoie une chanson. Ce qui m’amène parfois à garder ou écarter certaines pistes, à emprunter d’autres directions et explorer d’autres registres. Cela montre à quel point, Glory and Tears est du montage, à quel point c’est narratif.

Rayess Bek : Nous sommes des êtres hybrides. Nous sommes des mélanges improbables. La Mirza est d’origine grecque, libanaise, iranienne, etc. Medhi Haddab qui joue de la Oud électrique est moitié algérien, moitié français. Nous avons vécu dans différents pays. J’ai vécu au Liban, en France, en Allemagne. L’hybridation, c’est notre quotidien. Elle se reflète forcément dans nos collaborations, nos projets artistiques.

La Mirza : A nouveau, le caractère hybride se retrouve dans nos choix de musiques et de films.

Rayess Bek : Et également dans les caractéristiques esthétiques intrinsèques du morceau de musique. Par exemple, Ya Msafer Wahdak de Mohamed Abdel Wahab ouvre avec une guitare flamenco, s’y entremêlent la musique arabe, la Salsa et la Bossa Nova. Nous n’y avons rien ajouté. Il n’y a là rien d’étonnant. Dans les années 1940-1950, beaucoup d’artistes ont travaillé à l’hybridation des genres, des instruments. On oublie que l’hybridation plonge ses racines dans le colonialisme.

Selon vous, en quoi et pourquoi l’hybridité constitue-t-il une critique culturelle postcoloniale ?
La Mirza : Dit à grands traits, dans la pensée coloniale, la pensée du dominant et la pensée du dominé sont deux pensées complétement séparées, l’une ayant sur l’autre une volonté hégémonique ou pire une volonté d’anéantissement. Pour nous, Glory and Tears est une manière de nous réapproprier artistiquement et directement, c’est-à-dire sans l’entremise d’une institution, nos archives, nos musiques, nos films, notre Histoire de l’art et l’Histoire, tout court. C’est là que se situe précisément la critique culturelle postcoloniale. Nous nous livrons à une historiographie en devenant des sujets postcoloniaux. En définitive, pour moi, le sujet postcolonial est un sujet qui ne dénie pas le fait qu’il a été colonisé, il puise sa force dans l’hybridité culturelle en se l’appropriant.

Propos recueillis par Sylvia Botella