Cookies

En poursuivant vous acceptez l’utilisation des cookies afin de vous proposer des contenus adaptés et réaliser des statistiques.

Koulounisation

  • Théâtre

Le 16.11.2021 à 21hFriche la Belle de Mai, Marseille

Salim Djaferi

En Pratique

  • Friche la Belle de Mai, Marseille

Petit Plateau

Durée : 1H10

Conception et interprétation Salim Djaferi
Collaborateur artistique Clement Papachristou
Regard dramaturgique Adeline Rosenstein
Aide à l’écriture Marie Alié et Nourredine Ezzaraf
Écriture plateau Delphine De Baere
Scénographie Justine Bougerol et Silvio Palomo
Création lumière et régie générale Laurie Fouvet
Développement, production, diffusion Habemus papam, Cora-Line Lefèvre et Julien Sigard
Merci à Aristide Bianchi, Camille Louis, Kristof van Hoorde et Yan-Gael Amghar

Une création de Salim Djaferi
En coproduction avec Les Halles de Schaerbeek, Le Rideau de Bruxelles et l’Ancre - Théâtre Royal de Charleroi
Avec le soutien des bourses d’écriture Claude Étienne et de la SACD,
de la Chaufferie-Acte1, de La Bellone-Maison du Spectacle (BXL/BE), du Théâtre des Doms, du Théâtre Episcène et de Zoo Théâtre.

Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles

Présentation

De quoi la guerre d’Algérie est-elle le nom ? Comment dit-on « colonisation » en langue arabe ? Qu’est-ce que nous fait le langage ? Que fabrique- t-il comme histoire, politique ou monde commun ? Salim Djaferi mène l’enquête, charge et décharge les mots du colonialisme au fur et à mesure qu’il compose avec d’autres récits, d’autres mots, les siens.

Pouvez-vous revenir en quelques mots à l’essence de la pièce Koulounisation : le langage ?
Lorsque j’ai débuté le travail, je me suis posé cette question : de quelle manière peut-on traiter la question de la colonisation et des relations franco-algériennes sans être victimaire ? Sans doute en faisant un pas de côté. En tant que chercheur-artiste, je me suis intéressé au langage et plus précisément au mot « colonisation ». Comment dit-on « colonisation » en arabe ? Autrement dit, Koulounisation n’est pas une pièce sur la colonisation en tant que telle. C’est une pièce sur le mot « colonisation » qui déroule des vécus, des histoires et des violences, aussi.

Koulounisation questionne notre rapport à la vérité, à la mémoire, à la transmission à l’histoire à travers le langage. Qu’est-ce que nous fait précisément le langage ?
Je suis né de parents issus de l’immigration algérienne. J’ai souvent été le témoin de discussions sur ce qu’on appelle la « Guerre d’Algérie ». Et c’est seulement très récemment que j’ai entendu le mot : « révolution ». Cela m’a amené à réarticuler ma pensée. Et si « La guerre d’Algérie » n’était pas seulement un fait historique mais aussi des mots. Quels seraient-ils ? A quoi pense la langue ? Quelle signification et direction donne le mot ? Quel est le but ? Qui en décide ? Qu’est-ce que cela dit de la personne qui utilise tel mot et pas un autre ? Toutes ces questions m’ont taraudé de manière vertigineuse. Ce qui m’a intéressé, c’est d’entendre le bruit du monde le plus manifeste. Et surtout de ne pas me contenter d’enquêter sur des terrains de vie familiers, et développer une pensée consensuelle.

Ce qui frappe dans votre approche, c’est qu’elle est à la fois théâtrale et plastique.
J’ai d’abord beaucoup enquêté. Lorsque je me suis attelé à l’écriture de plateau, j’ai pris conscience qu’il ne suffirait pas que je m’attache exclusivement au matériau documentaire authentique prélevé, ou que je « dénonce » la langue abimée, les imaginaires perdus du fait de la colonisation. Je devais être courageux, créatif. Je devais proposer un véritablement traitement esthétique de la question. Sans doute parce que j’ai trop vu de théâtre documentaire, décharné, triste et inaccessible, comme enfoncé dans un intellectualisme. Très vite et en collaboration avec les scénographes Justine Bougerol et Silvio Palomo avec lesquels j’ai beaucoup appris, j’ai pensé que ce serait par les arts plastiques, par leur déploiement sur le plateau que nous entrerions dans une relation plus sensible et ludique avec les spectateurs et les spectatrices. Certains éléments sont apparus très tôt, comme le fil pour délimiter l’espace ou les plaques de polystyrène comme matériau de construction. Matérialiser la pensée était pour moi la seule position artistique tenable. Je ne voulais pas me retrouver seul au monde avec mes recherches. Je ne voulais pas faire ma bulle.

Effectivement, quelque chose se construit devant nous qui agit par stratifications et qui amène aussi de la distance critique. `
Si je mets en scène une recherche au théâtre, je dois me servir de ses outils. Que peut le théâtre ? Il suscite des émotions qui ne sont pas forcément reliées à la parole, ni au bagage intellectuel. Casser des plaques de polystyrène ou suspendre des objets du quotidien à un fil… Il se joue là quelque chose de très puissant : l’intelligence émotionnelle.

Comment le frottement du théâtre aux arts plastiques permet-il de rendre compte de la part indicible des évènements les plus terribles, les plus singuliers, comme la « Guerre d’Algérie » ? Ou ce qu’on nomme plus communément aujourd’hui en France la « Guerre de libération nationale ».
Il y a dans ce frottement une intelligence au travail qui use de la métaphore accessible à tous et toutes. Par exemple, lorsque j’imbibe une éponge de liquide rouge que je suspends à un fil. L’image de l’éponge qui goutte suffit pour faire comprendre ce qui s’est passé. Au commentaire, l’image suffit. Elle est signifiante. Pas besoin d’être d’origine algérienne ou artiste plasticien pour en saisir le sens. Toutes les traces plastiques laissées sur le plateau nous disent la pièce, sans nommer les choses expressément. Elles sont comme un décalque en relief de ce qui est dit et de ce qui n’est pas dit. Une sorte de musée subjectif et troué de la colonisation de l’Algérie que le public peut visiter à l’issue de la représentation.